Lectures Bibliques: Le fils
prodigue
Ce soir j’aimerais vous proposer une méditation autour
de la parabole du fils perdu et retrouvé, que nous connaissons
comme le fils prodigue. Dans l’Evangile de Luc, chapitre
15, nous lisons trois histoires de pertes et de retrouvailles.
D’abord la brebis égarée, ensuite la femme
qui a perdu une pièce de monnaie en argent et qui la cherche
jusqu’à ce qu’elle la retrouve et, finalement,
l’enfant qui quitte la maison.
Dans les versets 11-32 nous lisons
« Un homme avait deux fils. 12 Le
plus jeune dit à son père : 'Père, donne-moi
la part d'héritage qui me revient.' Et le père
fit le partage de ses biens. 13 Peu de jours après,
le fils cadet rassembla tout ce qu'il avait, et partit pour un
pays lointain où il gaspilla sa fortune en menant une
vie de désordre. 14 Quand il eut tout dépensé,
une grande famine survint dans cette région, et il commença à se
trouver dans la misère. 15 Il alla s'embaucher
chez un homme du pays qui l'envoya dans ses champs garder les
porcs. 16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre
avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui
donnait rien. 17 Alors il réfléchit :
'Tant d'ouvriers chez mon père ont du pain en abondance,
et moi, ici, je meurs de faim ! 18 Je vais
retourner chez mon père, et je lui dirai
: Père, j'ai péché contre le ciel et contre
toi. 19 Je ne mérite plus d'être appelé ton
fils. Prends-moi comme l'un de tes ouvriers.'
20 Il partit donc pour aller
chez son père. Lorsqu’il était encore loin, son
père l'aperçut et fut saisi de pitié ; il
courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. 21 Le
fils lui dit : 'Père, j'ai péché contre le
ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton
fils...' 22 Mais le père dit à ses domestiques
: 'Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller.
Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. 23 Allez
chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons. 24 Car
mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la
vie ; il était perdu, et il est retrouvé.' Et
ils commencèrent la fête.
25 Le fils aîné était aux
champs. A son retour, quand il fut près
de la maison, il entendit la musique et les danses.26 Appelant
un des domestiques, il demanda ce qui se passait. 27 Celui-ci
répondit : 'C'est ton frère qui est de retour. Et
ton père a tué le veau gras, parce qu'il a vu revenir
son fils en bonne santé.' 28 Alors le fils aîné se
mit en colère, et il refusait d'entrer. Son père,
qui était sorti, le suppliait. 29 Mais il répliqua
: 'Il y a tant d'années que je suis à ton service
sans avoir jamais désobéi à tes ordres, et
jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes
amis. 30 Mais, quand ton fils que voilà est arrivé après
avoir dépensé ton bien avec des filles, tu as fait
tuer pour lui le veau gras !' 31 Le père répondit
: 'Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce
qui est à moi est à toi.32 Il fallait
bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était
mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu,
et il est retrouvé ! »
Voilà une très riche parabole, qui parle de nous – les
pécheurs, les brebis égarées. Toute la Mission
du Christ et la tâche de l’Evangile se penchent sur
la recherche des brebis égarées. Il faut retrouver
celles qui sont perdues, parce qu’il y a joie devant les
anges de Dieu pour chaque pécheur qui se repent.
Nous reconnaissons bien sûr que le fils aîné était
un bon garçon, responsable, fidèle à son père
et à la famille, pas oisif, qu’il travaillait bien
pour la ferme, etc. Mais d’après la loi juive,
c’était bien là son rôle et comme premier
né, il avait le droit de primogéniture.
Le fils cadet, par contre, n’avait pas le droit d’hériter
de la ferme. La relation familiale était donc légaliste
et rigide, déterminée par les traditions. Peut-être
que le jeune garçon était aussi aventurier. Rien
de mauvais per se dans l’aventure. Mais, peut-être
a-t-il considéré son père comme un obstacle à son
bonheur. Peut-être manquait-il de respect envers son père,
peut-être voulait-il découvrir le monde, en savoir
davantage, comme Adam et Eve lorsqu’ils ont mangé la
pomme. L’Evangile ne nous le dit pas. Son père ne
lui a pas interdit de voyager et l’a laissé partir. Par
la suite, il a gaspillé la fortune que son père lui
avait accordée. Il s’est débauché. Il
a terminé dans la misère, gardien de porcs (une horreur
pour un juif !).
On peut bien s’imaginer le chagrin du père, affligé par
la séparation et par l’incertitude. Durant combien
de nuits n’a-t-il pu trouver le sommeil parce qu’il
se faisait du souci pour son fils disparu. Mais il n’a pas
perdu espoir. Il a gardé la foi. Il est sorti sur
le chemin et a scruté l’horizon. Peut-être qu’un
jour….
Par contraste, le mécontentement et la colère du
fils aîné sont humains et compréhensibles.
Lui, il a été sage et obéissant mais il a
raté une vision plus large et généreuse de
la famille. Il s’obstine dans son légalisme,
et son cœur se ferme à la grâce du père – et
de Dieu. Il se comporte comme un Pharisien, sûr d’être « bon »,
d’être dans son droit, et donc inflexible. Il
a la profonde conviction d’être « juste ». Or,
il ose parler avec son père d’une façon peu
respectueuse. Il se coupe de son propre frère. «…Quand
ton fils que voilà est arrivé… » Attention :
il ne dit pas « mon frère » mais il
formule une sorte de reproche en parlant de « ton
fils » Sans modestie, il n’arrive pas à comprendre
la grande générosité du père ou plutôt
le mystère de l’amour, qui ne compte pas. L’amour
est gratuit, pas de commerce, pas de quid pro quo, pas
de do ut des. Il ne se mérite pas. Il se donne.
L’Evangile ne nous raconte pas la suite. Est-ce que
le fils aîné va rester à l’extérieur
de la maison, est-ce qu’il va continuer à s’auto-exclure,
ou est-ce qu’il va surmonter sa colère et entrer,
embrasser son frère et son père, se refondre dans
l’amour familial ? Bien sûr, on peut penser
que le père avait raté la chance de lui offrir un
chevreau pour festoyer avec ses amis, mais en avait-il jamais formulé la
demande ? Nous savons que dans la vie il faut parfois demander,
comme nous le lisons dans Mathieu, chapitre 7, « demandez,
et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ;
heurtez, et il vous sera ouvert ; car quiconque demande, reçoit » (versets
7-8)
D’ailleurs, il faut reconnaître que la vie n’est
pas seulement une affaire d’obéir à la loi. Parfois
elle comporte des risques et requiert du courage pour oser quelque
chose d’inhabituel. Il n’y a aucun mérite à obéir
aveuglément. Et l’amour va bien au-delà de
la loi.
Nous retrouvons ici un message très fondamental. Le
père – comme Dieu -- est riche et libre d’agir
comme il le veut, de disposer de ses biens selon son bon vouloir,
d’être plus ou moins généreux. C’est à lui
qu’appartient la décision du partage, de sa grâce
et de sa bonté. A lui qu’appartient aussi le
pardon.
Le fils prodigue a reconnu son erreur et il la confesse. Il n’ose
pas demander davantage à son père. Il a reçu
son patrimoine et ne veut que l’opportunité de travailler
sans aucun autre privilège. Il n’est pas injuste auprès
de son frère non plus -- il ne l’a pas trompé comme
Jacob avait triché au détriment de son frère
ainé Ésaü, lui prenant la primogéniture
contre un plat de lentilles. Il a reconnu sa faute et en a accepté les
conséquences. Mais son père lui accorde le
plein pardon. Comme Dieu nous accorde aussi le pardon, même
si nous ne le méritons pas. Et le père accordera
aussi le pardon à son fils aîné, si celui-ci
reconnaît l’erreur de son obstination. D’ailleurs
on remarque que le fils cadet s’est repenti et voulait tout
confesser à son père « Père, j’ai
péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite
plus d’être appelé ton fils. Prends-moi comme
l’un de tes ouvriers». Ce n’est qu’un
petit détail mais qui a toute sa signification : le
père lui coupe la parole et ne lui laisse pas terminer sa
phrase – cela lui suffit – la confession, l’acte
de contrition, toute son attitude exprimant le repentir.
Peut-être que cela nous amène à comprendre
cette parabole dans le contexte de la critique constante des Pharisiens
contre Jésus. On lui reprochait la compagnie avec
des pécheurs. Mais c’est justement les pécheurs
qui étaient des brebis égarées qu’il
fallait retrouver. Quelle était la mission
du Christ ? Justement de chercher l’amour perdu,
retrouver les hommes éloignés de Dieu.
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